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๐ญ Le dernier empereur de Constantinople – Chaos ร Sainte-Sophie

๐Constantinople, 29 mai 1453
Les immenses portes de Sainte-Sophie tremblaient sous les assauts des poings et des crosses de lances. ร lโintรฉrieur, une marรฉe humaine sโรฉtait entassรฉe dans un chaos absolu.
Femmes, vieillards et enfants sโรฉtaient agenouillรฉs au centre de la nef, murmurant des priรจres dรฉsespรฉrรฉes. Les plus fervents appelaient la Vierge Marie ร intervenir, ร envoyer un miracle qui arrรชterait les envahisseurs.
Certains pleuraient en silence, serrant contre eux leurs enfants.
Dโautres, le visage figรฉ par la peur, regardaient lโiconostase dorรฉe, attendant un signe divin.
Quelques prรชtres chantaient des hymnes sacrรฉs, lโencens encore flottant dans lโair comme une ultime offrande.
Au pied de lโautel, Philotรฉos รฉleva une derniรจre fois la croix.
โ Seigneur, si cโest la fin, accueille-nous-en ta lumiรจreโฆ
Ici, les Empereurs avaient รฉtรฉ couronnรฉs, les conciles sโรฉtaient rรฉunis, les chants sacrรฉs avaient bercรฉ un millรฉnaire de foi.
Soudain, la porte principale cรฉda.
Les janissaires furent les premiers ร pรฉnรฉtrer dans lโรฉdifice sacrรฉ, leurs cimeterres ruisselant encore du sang des combats.
Leur entrรฉe fut accompagnรฉe dโun hurlement triomphal, un cri de guerre qui rรฉsonna sous lโimmense coupole.
Dans la foule des fidรจles, la panique รฉclata.
Les femmes hurlรจrent, tentant de fuir vers les chapelles latรฉrales. Les vieillards et infirmes, incapables de courir, sโagenouillรจrent en tendant les mains, suppliant en vain.
Les Ottomans frappรจrent sans distinction.
Les sabres sโabattaient, non pour tuer tous, mais pour briser la rรฉsistance : les premiers tombรจrent sous les lames, tandis que les survivants รฉtaient repoussรฉs vers la sortie, esclaves promis ร la dispersion.
Certains soldats arrachรจrent les jeunes femmes de force, dโautres traรฎnรจrent les enfants hurlants dans le chaos.
Les prรชtres, eux, sโรฉtaient rangรฉs devant lโautel.
Drapรฉs de brocards, ils brandissaient croix et reliquaires comme ultime rempart โ dรฉrisoire, fragile, sacrรฉ.
Certains furent malmenรฉs, capturรฉs et traรฎnรฉs de force, dโautres frappรฉs ร mรชme les marches du sanctuaire, leurs robes dโor dรฉchirรฉes, leurs bras toujours levรฉs vers le ciel.
Dans un coin de la basilique, blottie contre un pilier, une femme serrait contre elle un petit garรงon dโenviron sept ans.
Elle avait vu.
Elle ne pouvait dรฉtourner les yeux.
Les prรชtres saisis un ร un. Le marbre, maculรฉ de poussiรจre et de sang des fidรจles, vibrait sous le tumulte. Lโencens se dissipait lentement, impuissant.
Et puis, au milieu du chaosโฆ Philotรฉos.
Le vieux prรชtre se tenait encore debout, seul devant lโautel. Sa main droite tenait fermement le calice dโor. Il ne tremblait pas. Sa bouche bougeait, murmurant les derniรจres paroles de la liturgie, comme sโil refusait que la messe sโarrรชte. Puis, dโun pas lent, il se dรฉtourna.
Il descendit les marches du sanctuaire, traversa la nef, passa ร quelques mรจtres de la mรจre et de lโenfant.
Son regard croisa briรจvement celui du garรงon, sans peur.
Arrivรฉ prรจs des chapelles nord, il รฉcarta un lourd rideau de velours et disparut dans lโombre, le calice toujours en main.
Un janissaire lโavait aperรงu.
Il bondit, รฉcarta le rideau dโun geste brutalโฆ et sโimmobilisa.
Derriรจre, il nโy avait quโun mur. Lisse. Muet. Pas de porte. Pas de recoin.
Juste la pierre froide.
Le soldat recula, fronรงa les sourcils, et grogna entre ses dents, incrรฉdule :
โ Par Allahโฆ quelle sorcellerie est-ce lร ?
Un moment de silence suspendit lโhorreur.
Puis ses yeux tombรจrent sur la femme et le garรงon, recroquevillรฉs dans lโombre. Il les fixa une seconde, comme sโil savait quโils avaient vu.
Il sโapprocha, lentement, comme un fauve.
La mรจre se leva dโun bond, tenta de cacher lโenfant derriรจre elle.
โ Maman, murmura le garรงon. Il va nous โ
Elle ne rรฉpondit pas.
Le janissaire les attrapa sans un mot. Sa main serra le bras de la femme, tira le garรงon dโun coup sec.
Ils furent traรฎnรฉs vers lโextรฉrieur.
Derriรจre eux, les clameurs continuaient, les sabres sโabattaient, les icรดnes sโeffondraient.
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